James Buchanan et la théorie des choix publics
James Buchanan, lauréat du prix Nobel d’économie en 1986, vient de décéder à l’âge de 93 ans, est l’initiateur de l’économie des choix publics (ou analyse économique de la démocratie). Publié en 1975, Les limites de la liberté : entre l’anarchie et le Léviathan a donné à cet économiste américain sa place parmi des philosophes politiques tels que John Rawls ou Robert Nozick, en tant que « contractualiste ». Pour l’occasion, nous republions cet article de vulgarisation écrit l’an dernier.
Par Damien Theillier
Elections, piège à cons ? Selon la théorie des choix publics, développée à l’Université George Mason de Virginie par les professeurs Gordon Tullock et James Buchanan, les élections font partie intégrante d’un marché politique. Les acheteurs de ce marché, les électeurs, recherchent des faveurs et des privilèges du gouvernement. Les politiciens sont les fournisseurs de ces faveurs et de ces privilèges, dans le but de satisfaire les intérêts de la majorité.
L’école du Public Choice est à l’origine d’une nouvelle manière d’envisager la politique. Elle ambitionne d’appliquer l’analyse économique aux institutions politiques, afin de mieux comprendre le processus de formation des politiques publiques.
Comment les décisions collectives sont-elles prises ?
Le point de départ de la théorie des choix publics est que les hommes politiques ou les électeurs qui prennent ces décisions doivent être considérés comme des gens ordinaires qui cherchent à maximiser leur propre intérêt et non comme des personnes désintéressées, au service d’un hypothétique bien commun. Nous croyons naïvement que lorsque les gens sont élus, ils sont en quelque sorte transformés et motivés par l’intérêt public. Une telle chose n’arrive que très rarement. Quand une personne devient un homme politique ou un bureaucrate, il est toujours d’abord motivé par son intérêt personnel. Les gouvernants cherchent par exemple à maximiser la taille de leurs budgets, car ils peuvent ainsi augmenter leur rémunération réelle en termes de salaire et de divers avantages.
Homo politicus et homo economicus
L’ignorance rationnelle des électeurs
A lire :
James Buchanan, Les limites de la liberté. Henri Lepage en a résumé les grandes lignes dans sa préface à l’édition française (Litec, 1992). Disponible ici
La dette publique expliquée par le marché politique par Bertrand Lemennicier, professeur agrégé à l’Université Paris II Panthéon-Assas.
- Dans un système électoral où chaque électeur a le même poids, il faut emporter le vote de l’électeur médian ou, plus largement, celui de la classe moyenne.
- Pour cela, l’homme politique doit proposer un programme de dépenses publiques dont les bénéfices profiteront essentiellement à cet électeur clef.
- Offre à n’importe quel groupe d’électeurs aux intérêts concentrés et politiquement puissants (capable de capter le pouvoir politique ou de créer des nuisances et d’influer sur l’opinion publique) la possibilité d’externaliser les coûts de ses actions sur d’autres électeurs aux intérêts dispersés et, de ce fait, peu puissants politiquement.
- De manière identique, elle offre la possibilité à ces mêmes groupes aux intérêts concentrés de s’approprier les bénéfices des actions des autres (par le protectionnisme et la redistribution des revenus) dont les intérêts sont dispersés et divergents et, de ce fait, peu enclins à une action collective pour s’y opposer.
Le capitalisme de copinage
Le capitalisme de copinage avec le pouvoir politique, est une perversion du capitalisme de laissez-faire ou de libre marché. Bastiat a montré que lorsqu’un gouvernement outrepasse sa fonction de protection des personnes et des biens, cela incite des groupes d’intérêt à rechercher des privilèges et à influer sur le gouvernement pour obtenir des avantages au détriment des contribuables et des consommateurs. Les revenus et les richesses sont alors redistribués et les ressources gaspillées.
C’est aussi ce que décrit très bien Ayn Rand dans La Grève, son roman-culte. C’est ainsi que James Taggart utilise ses amitiés politiques pour influencer l’Alliance nationale des chemins de fer et faire passer des lois à son avantage. Le capitalisme n’est pas nécessairement libéral.
L’Ecole du Public Choice, à la suite du prix Nobel d’économie James Buchanan, a repris ce thème pour le développer scientifiquement au sein de l’université George Mason en Virginie. (A lire : Bastiat et les choix publics).
Voici quelques vidéos pédagogiques pour comprendre le phénomène. Elles sont produites aux Etats-Unis et sont sous-titrées par l’Institut Coppet. (https://www.youtube.com/user/Icoppet/videos)
Bastiat et les choix publics
Extrait de Logique du libéralisme, de Jacques de Guenin (voir les autres extraits 1 et 2)
L’État n’est pas une construction divine dotée du don d’ubiquité et d’infaillibilité. C’est une organisation humaine, où les décisions sont prises par des êtres humains comme les autres, ni meilleurs ni pires, eux aussi susceptibles de se tromper. Henri Lepage[1]
« c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde« .
[1] Demain le capitalisme. Hachette. Collection pluriel. 1983.
Démystifier les élections avec la théorie des choix publics
Article publié originellement sur 24hGold
Par Damien Theillier – Cours de philosophie
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